Inteview: Terence Fixmer
Inteview: Terence Fixmer
Terence Fixmer, qui n’est plus à présenter à nos lecteurs, a bien voulu répondre à quelques-unes de nos questions lors d’un de ses jours de repos (bien mérités) à Lille.
PussySelektor: Agréable de te retrouver sur Lille, Terence, ce n’est que depuis très peu de temps que j’ai appris que tu vivais ici, on se devait de se rencontrer!
Terence Fixmer: J’ai vécu des moments incroyables sur scène, complètement différents de ma carrière solo. J’ai fait partie d’un groupe pour la première fois. On a énormément joué pour la scène techno par rapport à mon nom et aussi le mythe Nitzer Ebb mais on s’est aussi produit dans des clubs et festivals alternatifs. Dans ces endroits, ce n’est pas du tout un public techno, ça vient plus de l’indus, de l’EBM et du gothic. C’est un public complètement différent, on a croisé des personnes comme Anne Clarke ou le groupe Klinik, de la folie!! On a réussi une fusion assez incroyable donc le bilan est hyper positif!
PussySelektor: Je t’avais vu au Laboratoire Factory à Roubaix et justement on sentait deux publics dans la salle, c’était une réunion improbable et trash.
TF: Artistiquement c’était génial de me retrouver dans ces milieux. J’y étais déjà connu avec ma musique techno radicale et pouvoir y ajouter la voix de Mc Carthy pour les gens c’était la combinaison parfaite. Nitzer Ebb & Fixmer, ça a fait l’effet d’une bombe crois moi.
PussySelektor: Clair qu’à l’annonce du projet, on a tous fait les yeux ronds et jubilé mais finalement ce n’est pas si étonnant que ça, tes influences sont là: Nitzer Ebb, DAF, Klinik, Neon Judgement. On sent que tu as grandi avec ce son et que tu l’as complètement assimilé.
TF: Tout c’est fait grâce à un remix sur Novamute. Douglas travaillait dans la pub, loin de la musique et du show-bizz qu’il ne supportait plus. Il a commencé la musique très jeune, ses premiers albums datent de 1985. Il ne voulait plus de ce milieu, je m’attendais à trouver un vieux mec avec du bide, la vieille image de l’anglais typique. Ce qui m’a tout de suite frappé c’est qu’il avait exactement la même voix qu’à ses débuts, j’étais épaté. La première rencontre fut arrangé par Mute, moi en tant que fan j’étais quand même assez intimidé, on s’est retrouvé dans son appart’, on a pas mal picolé, on s’est découvert un même sens de l’humour donc ça a collé direct. Quelques temps après, il est venu à Lille et c’était parti pour l’enregistrement.
PussySelektor: L’enregistrement s’est passé sur une durée assez longue apparemment?
TF: On a mit quelques mois à cause des emplois du temps. On voyage énormément tous les deux et pour ne rien arranger je suis parti vivre pendant un long moment sur Berlin. On ne voulait pas travailler chacun de notre côté et juste s’envoyer notre boulot, il fallait qu’on soit ensemble. J’ai fait les séquences, il a fait les voix et après j’ai tout retravaillé, le effets les arrangements. J’ai fait le travail de studio mais comme tu l’as vu, lui il fait le travail sur scène, il est incroyable. Il faut une sacrée énergie pour faire des tournées, contrairement au milieu techno où tu joues le WE, là on jouait plusieurs soirs à la suite notamment aux USA. On est allé à LA, San Francisco, Dallas, tous les soirs une autre ville. Imagines une tournée rock avec un ingénieur du son, un ingénieur lumière, un tour manager et même des fans qui vendent des tee-shirts, j’étais à des années lumières de la planète techno.
La scène alternative comprend son lot de joyeux fanatiques, ils achètent tout, les CD, les tee-shirts, ils veulent des autographes sur tout. La scène techno c’est plus des gens qui sont là pour danser et faire la fête. Ils ont eut du mal à comprendre Douglas et sa voix. Beaucoup étaient décontenancés face à lui qui hurlait mais bon la musique derrière est sauvage et balance quand même un max, donc tout le monde s’y retrouve. Très peu connaissait Nitzer Ebb et découvrait le son EBM en club, je te raconte pas la claque, impossible de rester indifférent.
PussySelektor: Et finalement que préfères tu entre les deux?
TF: J’adore les deux mais ce que j’aime c’est la tournée sous la forme d’un groupe! Tu n’as pas besoin de penser à tout, on te conduit là où tu veux, quand tu arrives sur scène, on t’a monté tes machines, tout est câblé et décâblé ensuite, ce qui est bien galère tu peux me croire. Les sons sont oscillés, les lumières réglées, tu n’as plus qu’à appuyer sur ON et le live démarre. On avait même des premières parties, une tournée rock quoi! Mais bon faut pas croire que c’est de tout repos car les dates s’enchaînent et souvent dans des endroits très éloignés. Tu te prends le décalage horaire en pleine tronche, t’es sur une autre planète. Les USA étaient dingues. Là bas tu ne parles pas de techno mais plutôt de musiques alternatives, les mouvements les plus importants sont plutôt indus, il n’y a pas eu de raz de marée techno comme en Europe. Sans le projet avec Douglas jamais je n’aurai pu jouer là-bas, d’ailleurs il nous a aussi permis d’avoir un bon circuit de distribution, l’album est signé pour l’Europe sur un label indus SPV et aux USA sur Metropolis par contre en Asie on est sur Technorient et enfin Planète Rouge pour la version vinyle de l’album worldwide. Partir en tournée avec Douglas c’est Rock n’Roll! C’est un vieux de la vieille et franchement avec lui tu t’éclates vraiment bien. Il connaît bien les tournées, il a fait la première partie de Depeche Mode sur les tournées de Violator et 101 donc on ne peut rien lui apprendre. Cependant, ça a entraîné des décalages au début avec la scène techno, c’était une nouvelle sphère qui s’ouvrait à lui tout comme pour moi dans le sens inverse ms on a sauté tous les deux à pieds joints dans nos univers respectifs. Chacun notre tour, on a joué le rôle du père qui introduit son fils. Lorsqu’il a commencé à jouer, il n’y avait pas une scène techno, une scène indus, une scène EBM, il n’y avait qu’une seule et même scène: l’alternatif! Comme on a tous les deux kiffé à fond cette expérience, on se relance dans un deuxième album ensemble.
PussySelektor: Même lignée – direction?
TF: Peut être plus de compositions calmes et mélodiques mais toujours des tracks qui tabassent bien!
PussySelektor: En tout cas l’année 2004 a été une réussite pour tous ici sur Lille au niveau de la scène électronique, plus besoin de se taper des kilomètres à gogo. Comme nous tous, tu as dû passer tous tes week-ends en club de l’autre côté de la frontière?
TF: J’étais content de jouer ici! Sinon pour la Belgique, oui tous les week-ends et religieusement! J’étais étudiant en école de commerce et parallèlement je travaillais à la Villa, c’était la pleine montée en puissance de la techno. A la même époque, en 1992, j’ai signé quelques tracks sous différents pseudos, Scanner sur Bonzai Records, Cyborg sur Diki Records en collaboration avec Bruno Quartier et aussi Alpha Process sur UVM Records.
Ensuite j’ai bossé pour des boîtes importantes puis avec Emmanuel Top pour finir par enfin créer mon propre label
PussySelektor: Planète Rouge…
TF: Au départ il devait y avoir plusieurs divisions, rouge pour la techno et d’autres couleurs pour différents styles. Ca, c’était à l’époque, après j’ai commencé à beaucoup tourner donc j’ai été contraint de lâcher tous ces projet. Les maxis sur Gigolo sont sortis et la machine était lancée. Je n’ai plus pu me concentrer sur Planète Rouge ce n’est qu’après le premier album, Muscle Machine, que j’ai pu y revenir et y consacrer plus de temps.
PussySelektor: Le premier maxi sur Gigolo, c’est DJ Hell qui t’as appelé directement?
TF: C’était fun, j’étais à fond dans Munich Machine et le titre This Is For You tournait chez moi, le téléphone sonne et c’était DJ Hell qui me proposait un remix de ce titre, j’ai complètement halluciné! Après il y a eu Electrostatic, Electric Vision et Body Pressure et ils ont tous cartonnés, tu connais la suite.
PussySelektor: Tu as trusté les charts des meilleurs DJ dont Dave Clarke qui te classe systématiquement à chacune de tes sorties, tu le remercies sur ton premier LP d’ailleurs.
TF: Dès le début de ma carrière, ce DJ m’a apporté son soutien, il adore ce que je fais. Il m’a demandé un remix pour The Compass, j’étais super honoré! Je considère ses premières plaques comme essentielles, il est actuellement en train de bosser pour un remix d’un de nos tracks!
PussySelektor: Tout comme lui tu as un son que l’on identifie tout de suite, on reconnaît ta griffe incisive et lourde.
TF: Pourtant je ne joue pas à plus de 135 BPM. Les gens pensent que je pousse tout à fond, à l’extrême mais sont mes séquences qui donnent cet aspect violent et énergique.
PussySelektor: Tu nous a mis une grosse claque aussi entre tes deux albums avec ta compilation Aktion Mekanik sur N.E.W.S., on a entre les mains un manifeste electrobody. Ca a du être un casse tête terrible pour compiler ces titres. Certains choix ont du être existentiels, de même pour les autorisations, ça n’a pas du être easy.
TF: C’est réellement un condensé presque parfait de mes influences. C’était en effet très fastidieux car il a fallu contacter tous les auteurs/compositeurs pour obtenir les autorisations. Il me manque un titre en particulier: Informatics de Accident In Paradise, celui-là c’est mon seul regret! C’est un groupe australien, jamais on a réussi à l’avoir. Presque personne ne connaît et c’est une tuerie ce track, tes lecteurs pourront en profiter!
Sur le disque tu trouves aussi un de mes titres Aktion Mekanik Theme qui est sorti en vinyle en version limité sur Music Man. Ce titre très mélancolique est différent de ce que je fais habituellement, il tourne à 120 BPM pour te dire, il sera d’ailleurs bientôt repris sur une compilation Kobayashi au profit de l’Asie. Ce travail de compilation m’a beaucoup plu, c’était une bonne occasion pour moi de présenter et faire découvrir mes racines, ça fait du bien d’effectuer ce type de travail.
C’est différents des remixs, j’en refuse beaucoup car ce n’est pas trop mon truc d’intervenir sur la musique des autres, j’ai juste réalisé cet exercice pour DJ Hell, Dave Clarke, Sven Vath et Nitzer Ebb.
PussySelektor: Tu fais partie des nombreux artistes qui se sont exilé sur Berlin, qu’en as tu retiré?
TF: J’adore, même si j’en suis revenu, j’adore. J’y retourne très souvent et franchement en revenant à Lille à chaque fois je l’ai dur mais je préfère faire des navettes. J’ai pas mal fait la fête sur Berlin, on sortait tout le temps dans tous les clubs, surtout au Cookies Bar et au WMF. Mais tu peux sortir tous les soirs dans des endroits différents et complètement imprévisibles. Mes amis connaissaient très bien la scène berlinoise, il y avait de l’action tous les jours! Je préfère quand même être sur Lille et y retourner régulièrement mais le contraste est saisissant je passe de la folie berlinoise à celle inexistante de Lille où il n’y a pas de scène électronique réelle. Je peux ainsi plus me concentrer sur mon boulot de production mais bon je bouge quasiment tous les WE donc je ne m’emmerde jamais très longtemps.
PussySelektor: Tu joues aussi assez souvent dans les pays de l’Est, tu as un public fidèle nombreux aussi là-bas et la techno y explose chaque week-end!
TF: Je joue en Hongrie très bientôt, j’adore joué à Sarajevo, c’est toujours de la pure folie. J’y ai joué pour la première fois en 1999, c’était complètement surnaturel. Tout était marqué profondément par la guerre, l’architecture surtout les gens. Il y a des militaires partout avec des détecteurs de métaux et tout le tremblement, ça fait froid dans le dos à certains moments. Par contre, en soirée, les gens se lâchent comme des dingues, tu as l’impression d’être revenu à la genèse de la techno. Les artistes de l’Est frappent fort, Umek et Valentino Kanzyani ont ouvert la voie. Il y a quand même certains pays où c’est encore difficile de se produire, pour l’instant je ne peux pas rejouer en Serbie car c’est trop dangereux, il y a des endroits comme ça, idem pour Tel-Aviv.
PussySelektor: Concernant la scène electro française, vous avez fait fort avec toute l’équipe Gigolo made in France, The Hacker, Miss Kittin, David Carretta, depuis trois ans vous rythmez les meilleures soirées et vous avez amplement contribués au développement de l’electro, vous avez tous pris en plus des directions différentes mais toujours d’une qualité irréprochable.
TF: C’est clair, on a baigné dans les mêmes influences et on aime férocement la techno et les tracks qui racontent une histoire, qui ont une âme froide et énergique. Mais bon, on marche en France depuis très peu de temps, on fonctionnait mieux à l’étranger au départ. J’ai joué dans 14 pays avant de me produire en France, incroyable non? Nul n’est prophète en son pays! En même temps très peu de personnes savait que j’étais français, Terence Fixmer est mon vrai nom et beaucoup pense que c’est un pseudo. En habitant Berlin et en étant sur un label allemand le rapprochement pouvait être difficile.
PussySelektor: Maintenant par contre on vous voit moins sur Gigolo au profit d’autres labels dont les vôtres comme The Hacker sur Goodlife, Vitalic avec Citizen Records, ou toi avec Planète Rouge.
TF: On a tous grandi et on veut voler de nos propres ailes, c’est marrant moi j’ai quand même sorti pas mal de maxis sur le label de DJ Hell, ce n’est pas négligeable. On fait parti des fondations de ce label, on restera comme ceux qui étaient là au début. Encore aujourd’hui dans les soirées Gigolo, on est respecté par les nouveaux arrivants, c’est marrant.
PussySelektor: Merci pour m’avoir accordé une partie de ton temps, peut être un de ces quatre, on te retrouvera dans le line up d’une soirée Freaks, soirée electro que l’on organise tous les deux mois au Kiosk ici à Lille.
TF: Qui sait, j’aime bien ce club, en tout cas je suis sûr et certain que ce serait fun avec toi et ta bande de Freaks, il y a un très bon buzz autour! Keep On!