Interview: Alif Tree
Interview: Alif Tree
A l’occasion de la sortie de son quatrième (et meilleur selon lui) album, Alif Tree nous ouvre les portes de Clockwork, une pièce toujours aussi jazzy mais plus pop qu’à l’accoutumée. Le français le plus reconnu de Compost Records, label des illustres Jazzanova nous parle de ses collaborations, ses influences, son virage pop et la soi-disant crise du disque…
TheClubbing.com: D’après la fiche presse, tu vois Clockwork comme ton meilleur album à ce jour. Qu’est ce qui te fait dire ça?
Alif Tree: Le plus personnel, abouti, riche en musique, et en musiciens. C’est aussi un disque qui mélange beaucoup d’ influences tout en conservant une bonne cohérence, à mes oreilles en tous cas. Une sorte de contre-pied à l’ultra spécialisation très en vogue de nos jours… Et j’aime ça.
TheClubbing.com: Pourquoi avoir enregistré le disque à Nashville? Cette ville a t’elle une influence particulière sur ton travail? Etait ce prémédité ou tout simplement le hasard?
Alif Tree: Non, plutôt une somme de coïncidences et de rencontres. Cela dit, il s’agit tout de même d’un des berceaux du rock’n roll, ma culture première. Les influences se font surtout sentir sur certains morceaux plus typés, mais les gens qui ont joué ont forcément transmis une partie de leur terroir musical. Dans tous les cas, je ne crois pas au hasard…
TheClubbing.com: Tu as collaboré avec des musiciens de renom, issus des groupes de Bruce Springsteen et Isaac Hayes. Comment les as tu rencontrés?
Alif Tree: La connection se fait à travers le réseau de Tony Joe White. De plus, nous prenions la suite de Jack White au studio. Ça fait beaucoup de White je sais… Après quelques bières avec les intéressés, nous avions récupéré un carnet d’adresses locales impressionnant de références. Nous n’avions plus qu’à faire notre choix. Le tout en une demi journée à peine. C’est aussi ça les States…
TheClubbing.com: Y a t’il une tournée de prévue? A quoi ressemblera la formation live?
Alif Tree: A contrario de la plupart des producteurs aujourd’hui, je ne pratique pas le live. Pas dans mon caractère ni réellement dans mes envies. On m’en parle souvent comme d’un handicap pour le développement du projet, mais j’assume ce choix. Je sors peu et n’aime travailler en groupe que très ponctuellement… J’aime rester dans l’ombre…
TheClubbing.com: Tu es revenu à un format pop, moins jazzy qu’à ton habitude. Etait ce ton objectif avant de te mettre à composer l’album?
Alif Tree: Oui, ce tour d’horloge m’a donné envie de revenir à mes origines, et d’explorer une vision plus universaliste de ma musique. La pop et le rock sont à l’origine de mes premiers émois musicaux, si l’on excepte la musique de films bien sur… J’aime aussi la posture de compositeur de chansons, c’est quelque chose de très instinctif chez moi, beaucoup plus spontané que le travail rigoureux de la production elle-même.
TheClubbing.com: Peux-tu nous présenter les invités vocaux? (en particulier sur Mai et Que Tu, à mon sens les deux meilleurs morceaux!)
Alif Tree: Merci. Mai, il s’agit d’Emile Sat que tu peux facilement retrouver sur myspace et qui vient de sortir un single digital chez Itunes. 23 ans, une voix unique, aucune frime et une culture jazz impressionnante, des chanteuses comme elle, on en voudrait tous les jours… (Elle vient aussi de chanter la dernière pub Lacoste.)
L’invité de Que Tu, c’est moi même votre serviteur, qui me suis autorisé à pousser la chansonnette malgré un talent et une expérience de chant assez limitée. Mais quel plaisir!
Chanter, c’est pratiquement l’exercice inverse de la production/souris/écran/computer. Je me suis un peu sous mixé parce qu’écouter sa voix pendant des heures c’est un peu comme de se regarder longuement dans un miroir : on finit par ne trouver que des défauts! Cela dit, je suis très fier de l’intensité dramatique de cet ‘intrus chanté’.
TheClubbing.com: Y a t’il des artistes avec lesquels tu aimerais travailler?
Alif Tree: Pléthore : Trend Reznor, Morricone ou Arthur H, Peter Murphy, Cantat, Debussy, Hendrix… Quitte à rêver… Plus sérieusement de nombreux artistes et chanteurs issus de courants non électro comme le blues, le rock ou la musique philarmonique.
TheClubbing.com: Y a t’il une signification cachée dans l’artwork de la pochette?
Alif Tree: Il s’agit d’un symbole très fort. Comme tout symbole, il fait appel à une sensation subjective plutôt qu’à une sémantique figée. Cette image correspond pour moi aujourd’hui à un tournant très puissant dans mon existence : le temps, la nudité et la nature, la force et la fragilité de nos existences, et bien sur la verticalité de l’arbre, qui nous emmène vers d’autres cieux…
TheClubbing.com: Penses-tu qu’il existe une réelle crise du disque? Quelle est ta position par rapport au téléchargement (légal ou illégal)? Comment vis tu ce phénomène en tant qu’artiste?
Alif Tree: Oui, le support disque est en fin de vie, sauf pour les blockbusters qui fourniront les 50 références qui monopoliseront les rayons des supermarché dans les années à venir. Pour tous les autres, il s’agit plutôt d’une carte de visite à laquelle doivent se greffer divers moyens d’exploitations : live, synchro, etc…
A noter que les éditeurs n’ont jamais autant brassé d’argent qu’aujourd’hui grâce à cela. Mais ce n’est pas Universal qui communiquera sur ce point : le misérabilisme arrangé est une systématique de gestion aujourd’hui. Et il est toujours amusant de voir les plus riches et les plus puissants devenir moralisateurs d’une technologie sous couvert démocratique : toujours plus, voilà leur unique motivation, et je pense à de nombreux artistes ici…
Quand au téléchargement, j’y perd sans doute pas mal, mais j’y gagne :
– La musique que je télécharge moi même,
– Une reconnaissance dans certains territoires qui n’auraient jamais pu accéder à l’information sans sa gratuité.
Pour moi , la musique est avant tout un métalangage dont le but est de circuler en générant autant d’émotions que possible…
Alors, vive le progrès, et haut les cœurs!
Merci à Alif Tree et à Max de iwelcom.tv pour cet entretien exclusif.