Interview: Electric Indigo
Interview: Electric Indigo
La géniale Electric Indigo et le Pulp, une personnalité et un club qu’il nous tardait de découvrir, c’est désormais chose faite, maintenant à vous de partager ce moment!
TheClubbing.com: Bonsoir Susanne, ce soir nous sommes au Pulp à Paris pour une soirée « Female Pressure » assez spéciale, déjà de part ta présence mais aussi car c’est l’anniversaire de Jennifer, célèbre DJ parisienne. Que penses-tu de ce club et de cette scène féminine, assez hype, qui gravite autour?
Electric Indigo: Je ne savais pas que c’était hype mais ça ne m’étonne pas. J’aime ce club et cette scène notamment car ce sont des femmes qui le gère. Ce ne sont pas uniquement des relations professionnelles qui nous lient mais une réelle entente amicale. En venant à Paris je voulais me poser quelques jours, une amie devait m’héberger mais elle est partie en vacances, finalement par le biais de connaissances communes, j’ai été accueillie par des habituées du Pulp. Il y a un réseau très fort ici autour de ce club et de cette scène et ça c’est très sympa et surtout excitant!
TheClubbing.com: En parlant de réseau, celui que tu as créée, Female Pressure, est impressionnant. Le but est de mettre à disposition une base de données internationale regroupant toutes les femmes DJ, productrices et artistes visuelles impliquées dans la scène électronique.
Electric Indigo: Pour le moment, il y a 500 femmes sur Female Pressure mais il y en a tellement plus en réalité! Je suis en relation avec toutes les artistes mais bien sûr je ne suis pas proche de chacune. Tu imagines avoir autant d’amies ça serait dingue et ingérable. Le but est de faciliter les rencontres et les coopérations afin de participer à l’essor des musiques et événements électroniques.
TheClubbing.com: Qu’est ce qui t’as décidé à te lancer dans cette aventure?
Electric Indigo: C’est simple je n’en pouvais plus d’entendre des commentaires du genre « Tu es si spéciale! », « Une fille dans ce milieu d’hommes, n’est ce pas trop dur? », etc. C’est sûr, il y a plus d’hommes mais il y a aussi des femmes comme Miss Kittin, Jennifer et encore plein d’autres qui sont présentes et qui sont douées!
TheClubbing.com: Miss Kittin est en train d’exploser en ce moment, partout où elle passe elle fait des ravages!
Electric Indigo: Oui c’est clair elle a su s’imposer mais avant les gens ne s’intéressaient pas à Miss Kittin ou les autres filles, cette ignorance m’ennuyait beaucoup. On a mis notre page sur le web en 1997 et la database était en ligne en 1998. Cela fait maintenant six ans et les choses ont heureusement changés. Il est désormais normal qu’une fille mixe, il reste cependant des pays et des villes où l’on trouve encore cela « exotique » de voir une nana derrière les platines.
TheClubbing.com: Tu n’apprécies pas d’être considérée comme une minorité?
Electric Indigo: Non mais lorsque tu examines la liste des DJ superstars ce sont en majorité des hommes. Cependant je pense que l’on va dans la bonne direction au niveau de l’acceptation et de la reconnaissance.
TheClubbing.com: Female Pressure y est assurément pour quelque chose et a montré la voie, beaucoup de personnes doivent t’être reconnaissantes?
Electric Indigo: J’espère tout simplement avoir ainsi pousser des filles à produire de la musique et aussi à affronter le public en live ou en mix. Prioritairement, Female Pressure est pour moi un moyen de communication et de coopération, lorsque des personnes sont intéressées par des artistes féminines, je leur dis d’aller sur www.femalepressure.net, cela facilitera énormément leurs recherches.
TheClubbing.com: Tu as toujours été présente dans tous les types de médias, le net, dont nous venons de discuter, la TV, sur la chaîne alternative viennoise TIV et la radio sur la station autrichienne FM4. Te sens-tu a l’aise sur tous ces supports?
Electric Indigo: A la TV et la radio, mon rôle était plus derrière la scène, ce qui fut très intéressant et instructif cependant si tu veux être booké ou vendre des disques, il faut être présent dans tous les médias, à chacun de choisir ceux qui lui correspondent le mieux. C’est assez ambigu car il est troublant d’être observée mais dans mon travail c’est nécessaire.
TheClubbing.com: Le djing reste ton moyen d’expression favori tout de même?
Electric Indigo: Oh oui et c’est de loin le plus fun tout comme produire des tracks. J’ai fait quelques morceaux pour différents labels et certains sont, je pense, plutôt bons. J’adore entendre d’autres DJ jouer mes morceaux, c’est euphorisant et ça fournit une bonne dose de satisfaction. Je m’éclate aussi beaucoup avec le travail visuel, c’est une grande passion.
TheClubbing.com: Il y a beaucoup d’artistes orientées vers le visuel sur Female Pressure, je le dis souvent les VJs seront bientôt indispensables.
Electric Indigo: C’est vrai mais c’est un job hyper contraignant, tu n’arrives pas dans les soirées pour faire tes 2/3 heures, c’est beaucoup moins cool que ça! En réalité, tu dois être là toute la journée pour tout installer, tout vérifier, tu restes de la première à la dernière note le soir et tu es quasiment le dernier à partir. En plus tu gagnes très mal ta vie, les promoteurs ne sont pas généreux avec les VJs, ceci explique que le développement de ce concept est lent.
TheClubbing.com: Parlons un peu de l’Autriche, ton pays d’origine, on ne connaît pas beaucoup d’artistes électroniques venant de là bas à part dans le domaine du downtempo comme par exemple Kruder & Dorfmeister.
Electric Indigo: La scène est en effet assez petite ce qui a malgré tout certains avantages, chacun observe ce que l’autre fait ce qui permet d’être ouvert à tous les styles. Tout est concentré autour de Vienne en ce qui concerne l’électronique donc nous nous connaissons tous et nous partageons nos passions et nos connaissances.
TheClubbing.com: L’Autriche a un background inestimable d’un point de vue musical avec le classique, tu as toi-même monté un projet live, Colophony Circuit, avec la e-violonist Mia Zabelka. Vous mélangez les improvisations expérimentales de violon électronique au son électro-techno.
Electric Indigo: Ce projet avec Mia est plus à assimiler à un concert qu’à une prestation en club, on a joué il y a peu de temps pour l’ouverture d’un festival d’arts à en Autriche.
TheClubbing.com: Justement pour être reconnue musicalement dans ton pays, il est nécessaire d’être connecté à l’art?
Electric Indigo: Très bonne question! En effet c’est alors plus facile pour les gens de comprendre que tu ne fais pas un stupide boulot commercial. Communément, les personnes pensent qu’un DJ c’est comme un juke box et que ça n’a aucune valeur artistique mais quand tu justifies ta démarche artistique on te regarde avec plus d’attention et tu peux alors faire comprendre ton travail et sa valeur réelle. Cette attitude est tellement typique de Vienne!
TheClubbing.com: J’ai eu l’occasion de me rendre dans cette ville il y a quelques années et c’est l’impression que j’ai eu, tout y est très chic et clean même les clubs.
Electric Indigo: Tu as raison même les clubs qui ont l’air assez trash ne le sont pas vraiment enfin ce n’est peut-être pas plus mal, il y a de bonnes adresses, il faut venir!
TheClubbing.com: J’ai lu que tu as joué dans près de 31 pays et 134 villes, tu es allée partout où un DJ doit passer?
Electric Indigo: Non pas encore, par exemple en Europe je n’ai pas encore joué en Irlande, en Islande ou en Norvège. De même, pour l’Australie, j’aimerai beaucoup y jouer tout comme en Afrique. J’ai encore pas mal de voyages à faire et de kilomètres à parcourir tout de même!
TheClubbing.com: Par contre tu as joué à Detroit au DEMF, comment cela s’est passé?
Electric Indigo: Très spécialement forcément, Detroit c’est l’origine de la techno et être invitée à ce festival sur la scène principale fut un immense honneur, même si c’était l’année où Carl Craig n’était plus impliqué dans l’organisation. Jouer au DEMF représentait beaucoup de choses pour moi! Il y a également eu une soirée Female Pressure dans un club de Detroit, c’était deux semaines après l’attentat du World Trade Center donc il n’y a eu personne! J’ai dû jouer six ou sept fois dans cette ville dans des clubs ou des fêtes inégales, il y a des choses qui s’y passent encore de temps en temps mais l’âge d’or de Detroit est révolu, c’est du passé. Il y a toujours UR bien sûr mais la plupart des artistes se sont exilés en Europe et principalement en Allemagne, c’est pourquoi ce pays est à la pointe de l’électronique aujourd’hui. Les musiciens ont pris beaucoup de l’esprit de Detroit et Chicago puis l’ont assimilé et transformé pour faire évoluer la musique et ainsi l’amener ailleurs vers des sons nouveaux et excitants. C’est simple, aujourd’hui tous les artistes majeurs habitent Berlin, c’est une vraie concentration. Toutes les infrastructures pour faire de la musique électronique sont sur place, les connections sont établies, c’est très agréable de travailler dans cette ville. Il y a des soirées toute les jours de la semaine donc monter des projets et rencontrer des personnes qui veulent s’investir on en trouve avec facilité.
TheClubbing.com: Les artistes français comme Miss Kittin ou Terence Fixmer s’y sont exilés, c’est la fuite de nos cerveaux en quelque sorte!
Electric Indigo: Il y a quand même de très bons DJ en France, Jennifer, Laurent Garnier et Ark, que j’aime beaucoup, Crazy Minimal Stuff, Pépé Bradock, Mr Oizo, Chloé et aussi les mecs de Goodlife, ce sont de très bons musiciens.
TheClubbing.com: Dans le style, tu as aussi travaillé avec David Carretta, je l’adore, tout ce qu’il fait est à coup sûr grandiose, c’est un génie!
Electric Indigo: Il est vraiment très bon, il a un feeling extraordinaire pour la musique et j’adore bosser avec lui. A chaque fois, c’est une réelle expérience et surtout ça donne des bombes dancefloors, il est sûr et certain que nous travaillerons de nouveau ensemble.
TheClubbing.com: Des projets avec d’autres artistes en ce moment?
Electric Indigo: Non, actuellement je travaille seule sur de nouvelles productions, elles arriveront bientôt, c’est promis, vous aurez de mes nouvelles très rapidement!
TheClubbing.com: Merci beaucoup de nous avoir accordé ces quelques minutes et à bientôt